Il convient, me semble-t-il, de distinguer ce qui est scientifique de
ce qui est culturel. Sur le plan scientifique, le CD ROM ne fait pas, pas
encore, partie des outils de l’histoire de l’art. Nos outils
(catalogues, revues, monographies) sont encore largement dominés par le
papier et une culture de l’écrit. Et c’est très bien.
Peut-être, dans un certain avenir, le CD ROM pourra-t-il servir de médium
pour la publication de certaines données comme des actes de colloque ou
des inventaires sommaires illustrés, mais la version papier continuera d’exister,
la version électronique étant essentiellement un outil commode de
diffusion du savoir en direction d’organismes singuliers (bibliothèques,
universités, instituts d’histoire de l’art). Toutefois, ce n’est
pas encore le cas et il n’est pas certain que les développements
actuels des nouveaux réseaux comme Internet ne s’imposent pas, au détriment-même
du CD ROM, en tant qu’outil de partage du savoir. Ce qui est aussi la
mission d’un musée comme le Louvre.
Sur le plan culturel, la pertinence des nouveaux média semble
plus évidente. Il s’agit ici aussi de partager, partager du savoir évidemment,
mais aussi du plaisir, de l’étonnement, de la délectation.
Car ce titre, Musée du Louvre, peinture française, s’adresse
avant tout au plus grand nombre. Un public d’adultes d’abord
(amateurs, curieux aimant les musées, leur histoire, leurs collections)
mais peut-être aussi des étudiants, et pourquoi pas certains spécialistes,
qui pourront facilement retrouver l’accrochage de telle ou telle salle.
La possibilité de se mouvoir librement en manipulant la "souris"
d’une salle à l’autre dans l’espace des soixante-dix ou
quatre-vingts salles du parcours de la peinture française est évidemment
très séduisante. On peut aussi penser que ces nouveaux outils vont
prochainement modifier certaines méthodes d’enseignement, et que,
notamment dans les écoles, ce genre de productions interactives
rencontrera un assez grand succès. La possibilité d’imprimer
des fiches et des textes à partir du CD ROM y sera sans doute pour
beaucoup.
Comment s’est passée votre collaboration ?
Je ne suis intervenu qu’assez tardivement dans la production
de ce CD ROM. C’est avant tout Vincent Pomarède, conservateur dans
mon département, qui a préparé l’essentiel des
commentaires, notices et fiches explicatives (historiques et biographiques
notamment).
Cet important travail d’écriture ne prétend
toutefois pas être une somme scientifique sur la peinture française.
Il s’agit avant tout d’être clair, précis, mais aussi
concis, de telle sorte que le spectateur ou l’utilisateur ne soit pas
perdu. La concision, rendue nécessaire par le médium - lire un
long texte sur un écran est assez difficile -, nous fait bien sûr
avoir des regrets sur tel ou tel aspect : ne fallait-il pas en dire un peu plus
sur tel artiste ? Ne nous sommes-nous pas trop étendus sur telle question
?
Le juste équilibre est toujours difficile à trouver et encore
plus à garder. Je suis entré dans ce projet à la demande d’André
Hatala et de Pierre Coural qui cherchaient comment amener un peu de chaleur
humaine dans ce projet. Le CD ROM est par nature, à la différence
du cinéma, un médium froid. Leur proposition a été
de me demander d’introduire les visiteurs aux grandes séquences muséographiques
et artistiques - qui sous-tendent le circuit de la peinture française au
Louvre. Nous avons donc travaillé sur un découpage par
sous-ensembles des salles, et j’ai réfléchi à une
courte introduction pour chacune de ces grandes entrées.
Bien sûr,
il ne fallait pas le lire mais le dire, et nous avons enregistré
plusieurs versions en studio. Au total, je suis évidemment un peu surpris
de me voir sur un écran d’ordinateur, mais si ce genre de
collaboration peut amener un CD ROM à toucher un plus large public, je
crois qu’il faut le faire.
Entretien paru dans CD Loisirs du mois d’octobre 1996.